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lundi 6 mars 2017

Enquête : qui sont vraiment les catholiques?

Le quotidien "La Croix" nous autorise à reprendre un article paru dans son édition du 12 janvier 2017 et commentant les résultats d'une enquête sociologique sur les catholiques. Il devrait pouvoir alimenter la réflexion de nos équipes. Nous le publions en plusieurs étapes.

Une vaste étude sociologique commandée par le groupe Bayard et publiée conjointement par La Croix et Pèlerin, présente sous un jour inédit la composition du catholicisme français. Les deux auteurs ont distingué six profils types, qui sont autant d’outils pour essayer de comprendre les logiques à l’œuvre dans un monde catholique plus divers qu’il n’y paraît.

Que représentent les catholiques en France ? Les 5 % de la population qui, selon les sondages, vont à la messe régulièrement, ou les 53 % qui se disent catholiques ? C’est un autre nombre que fait apparaître la vaste enquête confiée par le groupe Bayard à l’institut de sondage ­Ipsos sous la houlette de deux sociologues, Philippe Cibois et Yann Raison du Cleuziou : la France compte 23 % de catholiques « engagés », c’est-à-dire qui se sentent rattachés à la vie de l’Église par leurs dons, leur vie familiale, leurs engagements.

L’étude sort ainsi de la distinction habituelle entre pratiquants et non-pratiquants et intègre ceux qui n’assistent pas à la messe régulièrement « mais qui se considèrent quand même comme catholiques parce qu’ils vivent leur foi autrement », notent les auteurs. Cette étude donne ainsi, pour la première fois, une idée de l’influence réelle de l’Église dans la société, et propose une approche nouvelle du sujet, en définissant six « familles » de catholiques (voir p. 3 à 5). Elle permet aussi de sortir d’une vision schématique selon laquelle des catholiques « identitaires », votant Fillon et défendant les crèches, s’opposent à des « cathos de gauche » ouverts mais vieillissants.

Pour mieux rendre compte d’une réalité bien plus complexe et nuancée, Yann Raison du Cleuziou et Philippe Cibois ne font pas disparaître le critère de la pratique religieuse, mais ils l’enrichissent considérablement. Depuis les années 1930, les catholiques sont repérés, classifiés, étudiés en fonction de leur participation ou non à la messe dominicale. Aujourd’hui, ce critère ne suffit plus à rendre compte du rapport des Français à l’Église. C’est d’ailleurs l’un des grands enseignements de l’enquête, que Yann Raison du Cleuziou résume ainsi : « Le catholicisme français est devenu une réalité festive. » Autrement dit, la pratique de l’immense majorité des catholiques français se limite aux événements de la vie (baptême, mariages, décès) et aux grandes fêtes. Quant aux pratiquants hebdomadaires, ils représentent… 1,8 % de la population française.

Trois « familles » se distinguent par leur assiduité à la messe dominicale : les « conciliaires », les « observants » et les « inspirés ». Trois catégories, qui ont aussi en commun la multiplicité de leurs activités religieuses : prier le chapelet, faire des pèlerinages, soutenir des associations, lire la presse confessionnelle… « Plus un catholique va à la messe, plus il multiplie les engagements », affirme Yann Raison du Cleuziou. Toutefois, tous privilégient des dévotions individuelles (prier chez soi, allumer un cierge dans une église…), relève le sociologue. Quant aux catholiques peu pratiquants, il souligne également, brisant une autre idée très répandue dans les paroisses, qu’« ils ne sont pas demandeurs de participer davantage », notamment à la messe.

L’enquête Ipsos dessine ainsi un monde catholique en forme de pyramide : à la base, une immense majorité de faibles pratiquants ; au sommet, une fine pointe de pratiquants « zélés » et multi-engagés. Mais ces derniers, si minoritaires soient-ils, ne sont pas homogènes. Ce qui les distingue ? Une forme de hiérarchie des valeurs, qui sépare ceux qui se situent du côté de « l’hospitalité » et ceux qui donnent la priorité à la « sécurité ». La question de l’accueil des migrants est au centre de cette distinction : les premiers y sont généralement favorables, et sont souvent des admirateurs du pape François ; les seconds défendent plutôt le catholicisme comme élément constitutif d’une identité, et perçoivent parfois, de ce point de vue, les migrants comme une menace. La question du vote reste très nuancée dans toutes les catégories, même si on observe des dominantes attendues (les « conciliaires» et les « saisonniers fraternels » votent plus souvent à gauche ou au centre droit ; les « observants » et les « inspirés » à droite).

De manière générale, les clés de compréhension qu’offre cette typologie des six familles de catholiques engagés mettent en évidence la très grande diversité des opinions et des pratiques des catholiques français, et invitent à la prudence face à la tentation de les considérer comme un groupe homogène. Ainsi de « La manif pour tous », dont certains ont pu penser qu’elle avait rassemblé la majorité des catholiques français. L’étude montre au contraire que seuls 6 % d’entre eux ont participé aux grandes manifestations contre le mariage homosexuel, quand 73 % n’ont pas souhaité y prendre part.

Anne-Bénédicte Hoffner et Gauthier Vaillant


Repères : la méthodologie de l’enquête


Pour réaliser l’enquête « chrétiens engagés », l’institut Ipsos a extrait d’un échantillon représentatif de la population métropolitaine âgée de 18 ans et plus de 28 204 personnes, une sous-population de 15 174 personnes se désignant comme catholiques (pratiquantes ou non). Elles représentent 53,8 % de la population. Ce groupe se subdivise en fonction du rapport à la pratique de la messe.
Parmi eux, il a pu être constitué un nouvel échantillon (1 007 enquêtés) représentatif des catholiques considérés comme des « catholiques engagés », c’est-à-dire : les catholiques pratiquants (hebdomadaire, quelques fois par mois, grands rassemblements, grandes fêtes religieuses), qu’ils se déclarent « engagés » ou non ; les catholiques non-pratiquants qui se déclarent « engagés ».
L’enquête a été réalisée en juin 2016 par la méthode des quotas. La marge d’erreur pour un pourcentage donné dépend de la taille du sous-échantillon traité. Pour une population de 1 000 la marge d’erreur est environ de 3 % : elle peut être de 5 % pour une population de 500 et de 7 % pour une population de 200.





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